1 - Culture du vélo, késako ?
Pour expliquer ce qu'est la culture vélo, je peux prendre trois
exemples très concrets qui montrent que cette culture vélo est loin de
son avènement en France : - un cycliste est arrêté à un feu dans une côte, le feu passe au
vert, le klaxon d'une voiture retentit presque immédiatement à
l'encontre du cycliste jugé pas assez réactif au feu.
- G. n'utilise plus son vélo car une roue est dégonflée (ou crevée ?) et qu'elle n'a pas de pompe,
- un nouveau commerce ouvre dans une rue : aucun système d'accroche vélo n'est prévu.
Pour moi la culture vélo est l'idée que la pratique du vélo est
devenue "naturelle", que l'emplacement pour le garer chez
soi en ville est prévu et facile, que la tenue vestimentaire est compatible avec
le vélo, que l'on sait l'utiliser et effectuer les principaux réglages
et petite réparations (ou à qui s'adresser pour) et que l'on a du
plaisir à l'utiliser.
Pour les Danois, cette culture vélo est tellement intégrée à la vie normale, qu'elle n'est pas un sujet. Mikael Colville-Andersen (bloggeur, photographe danois, lire une interview sur wheelz ici),
dit même : "Un danois fait du vélo comme il passe l'aspirateur. Il le
fait parce que c'est inscrit dans ses habitudes, dans son quotidien.
Rien de plus". On mesure le décalage avec notre pays !
2 - pourquoi je m'intéresse à cette question ?
Je pense que le vélo est adapté au monde moderne, à la ville. Il le
sera encore plus quand le pétrole deviendra rare et son coût
prohibitif. On peut attendre que le prix du baril augmente, mais je
pense qu'on peut dès aujourd'hui préparer cette transition vers un
monde moins polluant.
Mais je pense que la réponse des institutions pour le développement du
vélo dans les villes françaises est inefficace voire n'agit pas de
façon significative pour une "culture vélo" qui diminuerait le nombre
de voitures en ville.
3 - quelles conditions pour le développement du vélo ?
Je connais bien tous les arguments en faveur du vélo : rapide et efficace,
économique, fiable, écologique (pas de pollution de gaz à effet de
serre, ni sonore, ni encombrement de l'espace), sain, agréable.
Mais je constate que ces arguments n'agissent que sur les personnes
déjà cyclistes (ou piétons ayant un vélo), éventuellement prêts à faire
un geste pour la planète, c'est-à-dire en fait très peu de personnes,
et en tout cas pas les automobilistes en ville, là où le vélo est le
mode de déplacement le plus concurrentiel.
Ainsi la part des déplacements à vélo dans les villes françaises
plafonnait à 2% en 2004 (chiffre de l'Ademe - avant la mise en place des
systèmes de vélo partage).
Je connais aussi tous les freins "rationnels" que citent les gens pour
ne pas se mettre au vélo : danger, lenteur, effort physique, peur
d'arriver en sueur au travail... et les argumentations qui démontent
ces points (voir notamment l'étude de l'APPA Nord-Pas de Calais Le vélo
en ville : incongru ou salutaire ? 2007)
Les villes proposent généralement des réponses techniciennes
d'aménageurs : pistes cyclables, arceaux antivols, zones 30 à double
sens cycliste, règles d'emplacement vélo dans les constructions etc .
C'est loin d'être suffisant, en tout cas force est de constater que ces leviers n'agissent pas sur les automobilistes.
L'ADEME a confié en 2004 au Cycle d'Urbanisme de Sciences Po une
mission de définition de leviers d'action pour le développement du vélo
en ville. Cette étude s'intéresse aux facteurs qui guident les choix
individuels afin de définir des actions susceptibles de développer la
pratique du vélo en ville.
Je souscris globalement aux recommandations de cette étude - où
l'aménagement voirie, n'est qu'un point parmi les 50 propositions. Pour
n'en citer que quelques unes :
- Campagne nationale sur l’image du vélo
- Développer l’information sur les itinéraires et les temps de trajet à vélo
- Informer sur les possibilités d’acquisition d’un vélo neuf ou d’occasion
- Marquer les vélos
- Favoriser l’intermodalité vélo-Transports en commun
- Développer le prêt gratuit ou la location de vélos
- Améliorer le stationnement aux abords des commerces, établissements administratifs et de loisir
- Permettre aux cyclistes de traverser les parcs et jardins en ville
Une précision sur le point « location de vélos » : l'étude
date d'avant le développement des systèmes de vélos partage; elle n'a
donc pas mesuré suffisamment combien cela agissait comme une
« masse critique » très favorable à l'image du vélo (le
phénomène des "critical mass sont des opérations ponctuelles de
rassemblement de vélos qui renversent la proportion vélos/voitures et
qui agissent psychologiquement en faveur du vélo".
Un manque de taille : je ne vois pas explicitement indiqué l'idée de
favoriser la réparation des vélos (formation à l'autoréparation,
développement d'ateliers de réparations) car j'ai pu constater que la
mécanique vélo pourtant très simple est ignorée par beaucoup (je parle
surtout du petit entretien-réglage courant qu'il faut distinguer de
vraies grosses réparations qui peuvent être parfois délicates.
D'autres manques, en vrac :
- adapter les règles du code de la route (autoriser le tourne-à-droite aux croisements)
- rendre moins pratiques les déplacements voiture (peu de places de stationnement, voiries réduites...)
- rendre cher le déplacement voiture (taxe carbone, élévation du prix du pétrole, des parkings).
Ma propositon
Parmi ces propositions, il en est une qui m'intéresse particulièrement
: le vélo et l'image (ou comment améliorer l'image du vélo) point qui est à
mon avis sous-estimé dans l'étude. Il faut bien comprendre que sur
cette question, on se trouve face à la concurrence d'une imagerie
automobile très ancienne et disposant de très grands moyens (réclame,
pub, fiction..) qui ont fait rimer auto avec liberté (d'où la crainte
que l'abandon de l'auto soit une perte de liberté).
Je pense que pour faire basculer les derniers grands réfractaires
(les amoureux de leur voiture) vers la culture vélo, il faut créer un
"désir "de vélo :
- mettre en scène le vélo dans les publicités
et dans les fictions : si Brad Pitt utilise un vélo dans un film,
l'impact pour l'image est très puissant (photo de droite - mais la photo
n'est pas tirée d'un film, dommage),>> voir plus bas.
- améliorer les pubs pour le vélo (pour une marque,
une nouvelle série) sans renoncer à l'information encourageant la pratique
du vélo,
- innover sur la forme des vélos (la technique me parait
déjà mature), sur les accessoires, sur les habits...
Bref montrer que
le vélo peut vous transporter, pas seulement physiquement !
C'est
l'objet de ce site "Traité de la vélocipédique élégance".
D'autres que moi le disent :
"Le message que doit faire passer Hollywood c’est : “Faire du vélo, c’est cool !”
Ce qu’il faut, c’est Loïs et Clark venant au bureau en vélo, Forest
Gump transportant sa boite de chocolat dans son panier avant et Jenny
sur la barre de son vélo, Hugh Grant qui parvient à reconquérir Julia
Roberts en lui offrant un joli vélo...
La plupart des acteurs font déjà du vélo alors s’ils le font à l’écran, le vélo (re)deviendra très vite sexy".
Inventé d'après le playdoyer pour la cigarette dans le film Thank You for Smoking (2005)*
Quelques chiffres
: Avec 3 132 300 vélos vendus en 2009, la France est le 4e pays
consommateur de cycles par habitant après le Japon, les Pays Bas et le
Royaume-Uni, selon l’Observatoire du Cycle. Et depuis 2008 s’opère dans
l’hexagone une réelle mutation des usages. La pratique du vélo en
mobilité poursuit sa croissance, passant de 22 % à 25 % du marché total,
alors que la part du vélo loisirs commence à décroitre. Cette évolution
est soutenue principalement par les ventes de vélos de ville, +7 %, et
une progression importante des ventes de vélos à assistance électrique,
23 700 unités en 2009.
Sources :
- ademe :
étude "Vers une pratique quotidienne du vélo en ville"
2004 - voir sur cette page (synthèse et étude
complète) : http://www2.ademe.fr/servlet/KBaseShow?sort=-1&cid=96&m=3&catid=16322
- APPA Nord-Pas de Calais www.appanpc.fr > Outilthèque >Dossiers
http://www.appa.asso.fr/_adminsite/Repertoire/7/Fichier/24-090115111026.pdf
Le vélo en ville : incongru ou salutaire ? 2007
- Observatoire du cycle du Conseil National des Professions du Cycle : www.tousavelo.com
- * texte initial dit par Nick Naylor dans le film, que je me suis amusé à transformer :
"Le message que doit faire passer Hollywood c’est : “Fumer c’est cool !” Ce qu’il faut, c’est Loïs et Clark en train de fumer dans leur bureau,
Forest Gump qui souffle sa fumée sur sa boite de chocolat, Hugh Grant
qui parvient à reconquérir Julia Roberts en lui apportant sa marque
préférée La plupart des acteurs fument déjà alors s’ils le font à
l’écran, la cigarette redeviendra très vite sexy."
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