Pour une culture vélo
Pierre-Luc Vacher - 5/10/15
Chomsky, la pub et le vélo
Réflexions nées suite à la projection du film "Chomsky et compagnie" où  il y est question de la "fabrique du consentement" ou comment en démocratie, les décisions que l'on croit prendre de façon libre sont souvent préfabriquées ou nous sont finalement imposées.
Je ne peux m'empêcher de penser que des années de publicités automobiles (pubs, scènes de courses poursuites, road movie au ciné...) ont inscrit de façon si profonde chez petits et grands ce "besoin" et cette "envie" de voiture. La tâche pour la faire abandonner, même de temps en temps, à ceux qui pourraient prendre un vélo est donc particulièrement difficile.

C'est pourtant aussi le but de ce site : inviter à regarder le vélo avec des yeux nouveaux et provoquer une nouvelle envie chez ceux qui n'arrivent pas à passer de l'auto au vélo. Malgré tout, je pense que ce site pédagogique ne suffira pas pour se battre contre le "désir d'auto" ;  je plaide donc ici pour de nouvelles formes de publicités de vélo car c'est bien sur ce terrain - le même que celui ou l'auto affirme sa toute puissance, qu'il faut se battre.

affiches anciennes
Ci-dessus des publicités anciennes pour des vélos : elles jouent sur l'élégance, la féminité, la séduction, l'allégorie...

Et aujourd'hui ?
Pas de publicité pour un vélo "urbain" à l'horizon : les seules publicités visibles viennent des magasins de sport et leurs messsages placent le vélo sur le seul plan du loisir. Malgré tout l'intérêt que cela peut avoir, cela n'invite pas le public potentiel des automobilistes sur les petites distances, à s'interroger sur leur mode de déplacement.
Et quand le vélo est mis en scène sur une affiche (voir ci-dessous), c'est pour la promotion de l'acte "faire du vélo" et non pas pour l'objet vélo. A priori, la démarche est positive
et louable, mais le résultat est, disons, faiblard, timide, finalement assez peu attirant (ici des affiches issues de villes ou d'agglomérations) :
affiches velo

Ci-dessous une jolie pub mettant en scène un vélo et la joie de vivre qui va avec. Mais la pub concerne une région plutôt rurale (l'Orne en Normandie) et pas du tout le vélo lui-même.
puborneA droite, un exemple assez intéressant, parce que le vélo est plutôt mis en valeur... mais la pub concerne la marque de lingerie Pasionata, pas le vélo !
Comme pour l'image de gauche, on dirait que les publicitaires actuels utilisent le vélo comme un accessoire pour présenter avec talent tout... sauf le vélo.

pasionata
Le développement des vélos électriques donne l'occasion de voir des pubs pour le vélo : avouons que tout cela n'est pas très engageant et même la grande image de la jeune femme à demi-nue (à droite) ne fait pas oublier la laideur des vélos représentés en tout petit.
pubvelocito pubeasybike



On trouve des exemples plus prometteurs, ici une image tirée du site cicle.org (cyclists inciting change thru live exchange) avec une dimension militante : http://www.cicle.org/downloads/properganda les lecteurs y sont invités à imprimer et brandir ces affiches comme des étendards pour inciter à faire du vélo.
ibike

Le style assez dynamique véhicule la jeunesse et la joie et donne plutôt envie de faire du vélo. Malheureusement ce n'est pas une vraie affiche diffusée en ville et je gage que son impact réel, malgré internet, soit limité.






J'oubliais de parler des films publicitaires pour le vélo : comme pour les affiches, ils sont très rares. On voit surtout quelques vélos à la campagne mis en scène dans des publicités pour des produits associés au "naturel" (fromage etc.). Voici toutefois un bel exemple plutôt original http://vimeo.com/2989396 réalisé pour la promotion de la marque de pneus Hutchinson.

Il reste quelques clips où le vélo est mis en valeur : ici Meaghan Smith chante "Here Comes Your Man".


Cette autre chanson a été utilisée pour une pub des
vélos Pashley (mais je ne la retrouve plus en ligne), seulement la vidéo de la chanson :  ride ride ride - your bicycle in style  http://www.youtube.com/watch?v=FdjIYPy0H6c

Voici un autre film très court mais tout à fait dans un esprit que j'apprécie, au moins autant à la gloire du vélo (ici une Hirondelle de Manufrance) que de la personne qui l'anime.

Hirondelle par alexandre devaux  Musique : "You" (Second one) Gold Panda

Au sujet des Vélib' qui se sont développés quasiment sans affiche, il faut signaler que la forte présence très visible des Vélib' eux-mêmes agissaient comme une vraie publicité ambulante, qui a sans doute joué en faveur de la rapide progression des abonnements. C'est pourquoi je crois beaucoup aussi en la force des rassemblements de masse à vélo type "Convergence" (voir ici
http://velorutionuniverselle.org) : c'est un peu l'idée de la pub par l'exemple, avec une valeur pédagogique... à condition que ces rassemblements conservent leur esprit bon enfant sympathique qui encourage à rejoindre le mouvement (= qui donne envie, comme une pub) plutôt qu'à repousser dans unmasse critique esprit ségrégationiste ("les méchants automobilistes vous ne passerez pas !").

Masse critique
J'étais présent à la première Masse Critique Universelle à Paris en 2010 : http://velorutionuniverselle.org
 
  ici ce n'est pas le choix de l'élégance mais l'autre volet, crédible, du développement du vélo : faire nombre pour prendre confiance en soi (et le montrer aux autres modes de transport) pour que cette puissance du groupe invite, incite, donne envie de suivre ce mouvement.

PUB et mode et vélo durable

Qu'on me comprenne bien : je ne milite pas pour des pubs de vélo qui inviteraient (nous forceraient) à changer de vélo comme de chemises (ou de télé ou de portable etc. ). Mais plutôt des pubs qui nous inviteraient à choisir d'"utiliser son vélo" (le sien ou un vélo loué). "L'inconvénient" avec le vélo est qu'il dure longtemps et qu'on peut le réparer facilement (les pièces s'adaptent, les roues peuvent s'interchanger sous réserve d'un même diamètre etc.).
C'est peut-être pour cela que les vélos échappent aux modes et je comprends toute la contradiction d'un désir de pub de vélo pour encourager à développer les déplacements en vélo sans recourir au concept d'obsolescence programmée (cf le documentaire "Prêt à jeter, l'obsolescence programmée" de Cosima Dannoritzer). D'une certaine manière, on retrouve toute cette ambiguité dans l'action de Décathlon avec son B'Twin, vélo avec une design original mais doté de pièces spécifiques (= donc non réparable avec d'anciennes pièces standarts), dont certaines se casseront vite.


Pour mieux comprendre les relations art/design/désir de vélo, voir aussi l'avis d'une professionnelle de l'histoire de l'art.
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