Pour une culture vélo
Pierre-Luc Vacher - 11/09/16
En voyage aux Pays-Bas avec un bébé
Ça y est, je l’ai fait ! Comme pour tout ceux qui s’intéressent au développeme01nt du vélo, un séjour aux « Pays-Bas-pays-du-vélo » est un pélerinage qui s’impose !
Je ne résiste pas à l'envie de vous décrire le parcours que nous avons suivi ma compagne, notre bébé et moi, entre le 20 juillet et le 20 août 2016. J’imagine que les quelques renseignements qui figurent ici seront utiles à d’autres...
Vous serez peut-être surpris d'apprendre que nous n'avions que les grandes lignes du trajet, le détail s'est construit au fur et à mesure; nous savions qu'en partant avec une tente et les boites de lait pour notre bébé, nous allions pouvoir être suffisamment autonomes et libres de prendre du temps si besoin.
L'idée était de quitter Paris vers la mer du nord (nous avions un point de chute à Dunkerque) puis la longer jusqu'aux Pays-Bas. Une autre option aurait été de rouler vers Dieppe puis de longer la côte vers Dunkerque car cette route semblait agréable et déjà bien balisée avec peu de montées. Mais finalement nous avons opté pour la route plein nord vers Dunkerque, moins touristique sans doute en dehors d'Amiens et de Saint-Omer et avec plusieurs montées difficiles, mais c'est dans cette direction que nous avons eu les premières réponses positives pour l'hébergement et ça nous paraissait plus direct.


L'itinéraire
Départ le 20/07 à 17 h de la maison en vélo à Bagnolet jusqu'à la gare du nord, le train jusqu'à St Just en Chaussée pour sortir de la région parisienne, puis 200 km jusqu'à Dunkerque (arrivée le 28/07), via Amiens et ses hortillons et des coins reculés de Picardie.
Puis le long de la côte pour traverser la Belgique : un surveillant de plage côté français nous indique qu’on peut passer la frontière sur la plage à marée basse, ce que nous faisons. Puis les Pays-Bas (ferry et digues pour la Zeeland) le long de la route vélo LF1 (National long distance route voir ici ). À Leiden nous avons quitté la côte pour bifurquer vers Amsterdam, par la LF2 le long des canaux. Le 10 août, mes deux grands garçons (15 et 18 ans) nous ont rejoint en Thalys. Le temps de louer 2 vélos pour eux dans un lieu cool et trendy à la fois (ici www.starbikesrental.com où nous louons des grands vélos hollandais à freins à rétropédalage) et nous prenons aussitôt un train jusqu'à la côte ouest à Driehuis.
De là, nous poursuivons en vélo le long de la LF1b (b=vers le nord, a= vers le sud) jusqu’à Den Helder. Un ferry jusqu’à l’ile de Texel (prononcer Técheul), la 1ère d’une série d’iles qui ferment la Wadden zee, la mer entre les iles et le continent. ponton vers Vlieland
À l’autre bout de l’ile, nous prenons un bateau pour l’ile de Vlieland (prononcer fliland), une ile de sable plus sauvage : on débarque sur une étendue de sable que l’on traverse dans un gros camion 4X4 haut perché qui transporte tout le groupe et les vélos. Ce trajet assez court sera le plus coûteux du voyage : 150 € à 5 dont le bébé, 4 vélos et la carriole. Mais c'est vraiment une aventure avec la traversée des pontons, le 4X4 de sable ! Nous restons dans cette ile deux jours histoire de se reposer et de profiter des grandes plages de sable.

Puis, à l’autre bout de l’ile, un gros ferry jusqu’à Harlingen. Là, nous prenons des trains régionaux jusqu’à Amsterdam via Zwolle et Amesfoort.
Nous passons trois jours à Amsterdam, installés dans un camping à 8 km au nord, petite immele camion pour le débarquement à Vlielandrsion dans cette capitale à taille humaine. Arrivant par le nord, chaque jour nous passons le grand canal en ferry gratuit vers 11 h et repartons dans l'autre sens le soir. Nous quittons Amsterdam le 19/08 : les ados rentrent en Thalys et nous avec des trains régionaux jusqu’à Anvers -notre carriole ne rentre pas dans les cases formatées du Thalys (roues avant démontées, housse de 120 X 90 cm voir ici les détails sur le transport vélo en Thalys), puis le 20/08 : Courtrai, Lille, Amiens, Paris, Bagnolet.
En tout, 1600 km dont 650 km à vélo, sans crevaison ni autre problème mécanique, sans grosse difficulté (sans voir aucune tulipe, ce qui tombe bien car je ne suis pas très fan de cette plante un peu plastique à mon goût !), et avec du beau temps (sauf 2 jours de pluie), le vent dans le dos la plupart du temps, et notre petit gars qui s'est très vite habitué au rythme du voyage.

Les trajets
Avec la carriole et notre bébé de 10 mois, nous avons limité nos trajets à 30 km / jour, parfois même moins dans les collines de Picardie où il fallait souvent pousser le vélo à pied. Aux Pays-Bas nous avons fait 55-60 km sur les routes plates et bien indiquées. Nous n’avons pas tout planifié à l’avance, d’abord parce que nous ne maîtrisions pas exactement notre avancée (nous voulions prendre le temps de visiter certains sites, des jardins, des panoramas...) ensuite parce que les requêtes de couschsurfers ne se font généralem04ent pas trop plus de 4-5 jours à l’avance (avec l'aide du téléphone portable que nous avions avec nous).
En France, nous avons circulé sur les petites routes, nous avions pris les cartes IGN 101 et 103 au 1:100000 plutôt bien adaptées aux vélos jusqu’à Dunkerque.
Les Pays-Bas sont effectivement très développés côté circulation des vélos : sur les routes, les pistes cyclables sont toujours colorées en macadam rouge le long de quasiment toutes les voies. Mais nous avons plutôt utilisé un réseau de pistes séparées des voitures : un système de noeuds-points (voir ici par ex. : www.fietsnet.be) permet de relier tous les lieux du territoire entre la Belgique et la Hollande (à quand l’extension du système en France ?). Les sites calculent l'itinéraire et peuvent imprimer une suite de numéros que l'on peut scotcher sur la barre de son vélo, ainsi pas besoin de ressortir la carte à chaque changement de direction : il suffit de suivre les numéros !
À Amsterdam, les vélos sont partout et c’est vraiment plus qu’agréable et bluffant de voir les immenses parkings remplis de vélos, les magasins de location et ventes de vélos et d’accessoires, les ateliers de réparation, les vélos de toute forme des résidents, ou tous identiques par grappes pour les touristes (location).  Mais c’est aussi très stressant de rouler à plusieurs dans les rues pleines de monde, il faut faire attention à l’itinéraire, aux voitures, à ne pas se séparer aux feux, aux vélos qui doublent, à ceux qui ne laissent pas beaucoup de place pour se croiser, à la vitesse des habitués, aux touristes moins sûrs d’eux, aux scooters... J'étais bien content que toute la famille aie pu s'aguerrir pendant plusieurs jours avant de rouler dans cette grande ville : au final, aucun accident à déplorer, juste d'avoir été séparé deux fois en 2 groupes pendant 15 ou 20 mn à cause des feux.
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Reste à peine le temps d'admirer toute cette belle société cycliste, des enfants aux plus âgés, qui fait du vélo comme on achète une baguette ! Et les pistes sont tellement lisses et sécures qu'elles profitent aussi aux personnes âgées en sièges électriques.
Les ferrys sont très faciles à utiliser : les rampes évitent les escaliers, des barres d’attache permettent de les fixer sur le bateau, on entre d’un côté, on sort de l’autre (cela évite d’avoir à retourner le vélo).
En revanche, les trains sont bien moins adaptés : à la gare d’Amsterdam l’ascenseur n’est pas assez long pour les vélos chargés et il y a une différence de niveau entre le quai et le wagon. Le pire était en Belgique entre Anvers et Lille avec le local vélo du train à près d’un mètre du niveau du quai. Pour une fois, la palme du train le plus accessible revient au TER Lille-Amiens où l’accès se fait de plein pied, les wagons permettent de rentrer facilement vélos chargés et carriole presque sans avoir à les séparer. J'ai appris depuis que les hollandais voyagent très peu en train avec leur vélo : ils ont plutôt un vélo au départ, un autre à l'arrivée, à eux ou en location (3,5 €/24 h !).

Rester léger
Nous sommes partis sans préparation, presque par philosophie : nous faisons au quotidien nos trajets en vélo puisque nous n'avons pas de voiture mais on ne peut pas parler de préparation physique. Nous n'avons pas utilisé de cuissard cycliste ni tout ce qui resemblait à du lycra ou du fluo : pour nous le vélo c'est la vie normale alors on ne voulait pas s'habiller d'une certaine façon pour "jouer" au voyageur. Nous avons choisi de ne pas nous charger de vaisselle et de réchaud : nous achetions de quoi manger un repas-sandwich froid/jour et l'autre repas était pris sur la route (baraque à frites, snack, petit restos, marchés...), histoire de partager les spécialités culinaires dégustation de fromage à la fermedu pays, le hareng, les krokets, le fromage (si, si), même si ce n'était pas toujours réellement diététique. Nous avons rempli deux paires de saccoches plus un sac à dos sur un des porte-bagages, une cagette plastique fixée sur l'autre porte-bagage arrière (pratique pour mettre la nourriture sans l'écraser par ex.). Il aurait peut-être fallu mieux équilibrer les vélos avec des porte-bagages avant mais on a pu s'en passer. Nos roues étaient bien gonflées. Avant de partir j'avais remplacé nos 2 pneus arrière  fatigués par des schwalbe Marathon plus, considérés comme increvables. Mes garçons portaient leur sac à dos sur leur porte-bagage, ce n'était pas tout à fait idéal mais plutôt pratique d'avoir chacun leurs affaires rassemblées. Nous avons pris peu d'habits en misant sur la possibilité de laver en route, quelques outils de base, une chambre à air, des freins de rechange qui n'ont pas servi. Nous avions une tente pour nous dans la carriole et les garçons sont venus avec leur tente supplémentaire, une tente 2" que j'accrochais à l'arrière de la carriole (façon roue de secours) car cette tente rapide à installer a le défaut d'être encombrante.

Voyager avec une carriole et un bébé
Notre carriole est un vieux modèle achetée 5 € à Emmaüs. J’ai retiré les barres de protection latérales qui l’alourdissent et l'élargissent. Je n’ai d’ailleurs croisé aucun modèle qui en avait. Pour plus de visibilité nous avons mis un petit fanion. Sur la route la carriole suit bien et se fait presque oublier... sauf dans les montées. Dans les ferrys et les bacs, la carriole passe sans problème et sans billet sauf pour le bateau entre Texel et Vlieland. En train, nous avons acheté les billets pour les vélos (6,10 € / vélo / train) mais pas pour la carriole qui de fait n’était pas officiellement autorisée : nous répondions que nous ne savions pas et que personne ne nous l’avait dit et ça passait. Notre bébé de 10 mois est trop petit pour être attaché aux sangles prévues dans la carriole. Nous avions testé un cosy fixé à l’intérieur : la coque plastique me rassurait mais après conseil et nouvel essai nous avons placé un transat, avec inclinaison variable du dossier : le transat suspendu amorti plus les chocs de la route et notre bébé s’endormait dès le premier kilomètre. 03
Autre avantage : sous le transat nous avons pu charger la carriole des duvets, nourriture, habits, langes. Nous avions pris 2 jouets attachés à des ficelles, un 3e libre que nous prenions lors des arrêts, sans compter le doudou réservé pour les nuits. Nous roulions capote fermée, avec un tissu opaque pour protéger du soleil, et avec la protection imperméable relevée pour maintenir le renouvellement de l’air à l’intérieur sauf s’il faisait un peu frais avec le vent ou la pluie. Le bébé pouvait quand même voir sur les côtés. Aux rares moments où nous avons pu rouler sans le tissu, je pouvais voir ses yeux grand ouverts et j’en profitais pour lui faire des grimaces auxquelles il répondait par des rigolades.
Au retour, il avait pris assez d’assurance et de centimètres pour pouvoir pousser la capote avec ses pieds, signe qu’il faudrait changer de système pour un futur voyage avec lui.
Notre bébé boit depuis tout petit des biberons à température ambiante ; comme il est sujet aux régurgitations il a un lait spécial épaissi : nous avions donc pris 5 grosses boites pour la durée complète du trajet. La carriole s'est donc vidée petit à petit ;-)  Il mange des petits repas à midi et 16 h, toujours à température ambiante, et nous achetions ses petits pots au fur et à mesure, quelques fois nous lui donnions des fruits frais écrasés (bananes ou figues par ex.)  et profitions de nos arrêts chez des hôtes pour lui donner des légumes frais (courgettes...). Depuis sa naissance, nous lui mettons des couches lavables. Nous en avons emmené quelques unes en voyage mais elles mettaient beaucoup de temps à sécher, sans doute à cause de l'humidité de l'air salé, près de la mer. Nous avons donc fonctionné avec des jetables la plus grande partie du temps.

Les nuits
Nous avons alterné les nuits chez des hôtes (site www.couchsurfing.com etle soir au camping https://fr.warmshowers.org qui est spécialisé pour les cylistes) et en camping sauvage en France où le bivouac est toléré pour une nuit. En Hollande où il est illégal, nous avons été dans différents campings, notamment plusieurs d’un réseau de campings plutôt « nature » : www.natuurkampeerterreinen.nl/en  dans lesquels une convention avec les cyclistes prévoit que si l’on arrive en vélo avant 19 h, le camping ne peut nous refuser une place, même s’il est complet. De fait, même dans les autres campings, personne ne nous refusait une place quand nous disions que nous avions un bébé.

Les rencontres
Je ne vais pas détailler ici toutes les belles rencontres que nous avons faites notamment chez les hôtes qui nous accueillaient : certaines resteront longtemps gravées dans nos mémoires. Mais je peux dire tout l’intérêt que nous trouvons à être accueillis chez des « vrais » gens et à partager des moments de vie quotidienne, des repas, une chambre, une salle de bain, des conseils, une vision du monde, la bienveillance, l'amitié...
La qualité de l’accueil nous a souvent fait nous poser des questions sur notre propre façon d’accueillir les voyageurs qui passent à la maison.

Et l'élégance dans tout ça ?
Nous n'étions peut-être pas des modèles, avec nos vieux vélos (le mien date de 1987 !), nos habits et nos bagages dépareillés. Mais avec l'habitude, il me semble que nous donnions à voir quelque chose de plutôt cohérent, coloré et  joyeux avec la carriole qui se termine par le petit fanion (cousu dans un coupon de tissu à fleurs par ma compagne s'il vous plait !). Le seul point d'élégance est le fait de ne pas avoir utilisé de sacoche avant, que je trouve très moche, bien que cela contribue à mieux répartir le poids. Mais j'avoue que cela ne résultait pas d'un vrai choix : tout simplement nous n'avions pas de sacoche supplémentaire ni de porte-bagage avant. Nous avons au moins apporté l'élégance de la politesse et la bienveillance envers les autres (voir aussi les pages du site sur ce sujet ici et ).
Par ailleurs, si on reprend les raisons premières de ce questionnement autour de l'élégance : il s'agit de valoriser, par sa propre attitude, l'image d'une personne faisant du vélo pour amener ceux qui n'en font pas ou qui excluent ce mode de déplacement à changer leur regard et envisager l'idée que finalement faire du vélo n'est pas ausen route !si dépassé qu'on le croyait. Or si nous avons privilégié le moindre coût et l'efficacité pour ce voyage, simplement le fait d'avoir fait ce voyage avec nos vélos habituels, sans préparation particulière ni tenue spéciale ou coordonnée par ex. et surtout avec un bébé de 10 mois, nous avons voulu montrer que c'était plutôt facile et à la portée de (presque) tout le monde... donc contribuer à ce que d'autres qui hésiteraient le fassent et donnent envie à leur tour à d'autres l'idée de faire pareil.

Du côté hollandais, ce voyage m'a permis de voir de très nombreux vélos très différents les uns des autres et sans doute ce site web aurait été différent si je l'avais commencé après un voyage en Hollande. J'en ti
re malgré tout une conclusion assez proche de mes intuitions premières : plus il y a de gens qui font du vélo, depuis tout jeune jusqu'à un âge avancé, à tout niveau social confondu, la culture générale de l'aisance et de l'élégance vélocipédique s'accroit. Et voir sans arrêt les enfants, ados, adultes, personnes âgées, faire du vélo seul, en couple, en famille, ne peut que donner envie aux autres de faire pareil. CQFD !

Quelques liens
photos de nos vélos en voyage (trains, routes, pistes...) : cliquez ici

blog d’une famille végane qui voyage à vélo : http://www.enjolivelo.com

autre blog d'une famille à vélo : https://unefamilleavelo.wordpress.com

le blog d'un ami couchsurfer que j'avais accueilli  : https://roelguldemond.wordpress.com/2016/03/13/faire-du-velo-aux-pays-bas

un article sur le tourisme à vélo dans des pays moins connus

une liste de blogs recensés sur le site cyclo camping : www.cyclo-camping.international/blogs

le site http://mytrip.expemag.com (site Carnet d'aventure) présente de nombreux voyages à vélo

À lire :
un article sensible sur le voyage à vélo en famille : "Grandir sur Terre : Voyager en famille autrement et lentement en vélo" - N° 59 de juillet/août 2016 de la revue "Grandir Autrement".
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