
Traité de vélocipédique élégance
Pierre-Luc Vacher - 20/02/11
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Futur
et
design |
Le
futur du
vélo
Sur les couvertures des livres
d’histoire du
vélo, on retrouve souvent le parrallèle entre une
draisienne et un vélo high-tech ; la plupart du temps ce
dernier
est un vélo de course (voir ci-contre). Le fait que celui-ci
soit érigé en vélo de
l’avenir est à
mon sens une erreur. A qui veut-on vraiment faire croire que
c’est le type de vélo qui remplacera ceux
d’aujourd’hui ? Est-ce que cela voudrait dire que
les
vélos de ville ou de "tous les jours" (ce à quoi
je
m’intéresse ici) resteront inchangés ?
En creusant
plus loin, il apparaît encore pour beaucoup que toute la logique de
l’évolution du vélo est
tournée vers le
monde de la course ; à la rubrique "cyclisme" des
bibliothèques, les livres ne parlent pratiquement que du
monde
du sport cycliste. On semble oublier que les usagers de la bicyclette
"urbaine" deviennent chaque jour plus nombreux. Mais cet usage-là
ne
semble faire rêver ni les commentateurs ni les auteurs,
peut-être aussi justement à cause du manque
d’imagination de la part des designers sur ces
vélos de
"déplacement"...
Voici plusieurs plusieurs types de
préoccupations qui semblent se dégager chez les
designers
et chez les marques concernant le design des vélos du futur.
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des vélos assez classiques mais tendant
à la modernité par l’épure,
avec des vélos sans fioriture aucune (ici pas de tringlerie ni d'accessoires),
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- des vélos n’ayant de futuriste que l’optimisation
aérodynamique d’un vélo de course
(c'est
la catégorie où l'on trouve le plus d'images), |
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des vélos dont seuls certains accessoi res sont futuristes (suspension, jante
noire, rayons
remplacés par des ronds semi-pleins, guidons
renversés
vers l’avant). Ce renversement de l’orientation du
guidon
le fait ressembler à des cornes de taureau.
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des vélos futuristes remettant
effectivement en cause les
modèles d’aujourd’hui : ci-contre, un
Cannondale
pliant qui abandonne
toute référence au cadre en losange.
Comme on le voit avec ces différents
exemples, il est difficile
d’imaginer une utilisation quotidienne de ces
vélos.
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Le design et le
cadre
Des grille-pains aux voitures, les objets qui nous accompagnent sont tôt ou tard revisités par le design : lampe,
chaise,
scooter, petit ou grand objet, rare ou commun, tout y passe un jour ou
l'autre. C'est une expérience souvent heureuse en terme de
renouvellement du quotidien qui témoigne de l'imagination
créatrice des auteurs au service d'arguments
effectivement économiques et de mode mais aussi
esthétiques et fonctionnels. Le design permet de parachever
l'objet créé à partir de composants
disparates
intégrés à différents
étapes de son
histoire en le reconsidérant comme un tout fini et entier. L'intervention
des designers concerne généralement les parois
extérieures qui protègent et cachent les mécaniques
ou les
circuits électriques.
Curieusement le vélo semble avoir échappé à la table à dessin, sa forme étant restée
quasi inchangée depuis 1880. Pour certains c'est d'ailleurs la preuve de la
perfection formelle de l'objet.
Il y a bien quelques tentatives et on verra plus loin que des
inventeurs et fabricants se posent les mêmes questions. Mais, sans doute parce que le
vélo est
un objet "nu" qui laisse voir ses différents organes, le design ne
porte généralement que sur quelques accessoires (phare,
protège-chaîne…).
Soyons honnêtes : on a effectivement
déjà essayé de cacher les entrailles
du
vélo mais compte tenu des matériaux de
l’époque cela signifiait aussi
l’alourdir et
l’expérience a été de courte
durée
(voir à droite).
Il est étonnant de noter ici que le design automobile des
dernières années fait la part belle aux
éléments féminins : des lignes fluides
en rondeur,
des couleurs gaies, les boulons cachés pour
séduire la
clientèle féminine. Pour le vélo, cela
semble bien
être l’inverse : les fabricants affectionnent le
high tech,
la grosseur des tubes, le côté agressif (certains
cadres
arborent même des couleurs de camouflage militaire !).
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Ici
le Bowden Spacelander, un vélo américain
très
étonnant (la coque était vendue en kit). Dessiné par un designer
nommé Benjamin
Bowden (prototype de 1946) et commercialisé en 1959 et 1960,
il
fait partie des vélos les plus recherchés par les
collectionneurs.
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Certes,
des contraintes fortes existent : le poids,
l’épaisseur du
cadre peu épaisse pour permettre le mouvement des jambes, ne
pas
donner trop de prise au vent etc. Mais maintenant que des
matériaux légers existent, on peut
s’étonner
que les designers de vélos n’en tirent pas profit.
Voici quand même quatre exemples qui me paraissent
intéressants et prometteurs. Ils font preuve
d’imagination, ne ressemblent à rien de connu et
témoignent également du souci
d’intégrer les
différentes composantes du vélo dans un ensemble.
Ils ne
sont hélas que des prototypes.
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Vers une révolution
des "cadres" ?
À défaut de ces démarches globales qui restent
encore très exceptionnelles, les constructeurs peuvent intervenir sur le cadre
lui-même.
Dans ce domaine, les choses
évoluent
assez rapidement : en commençant ce site web en 2006, je
pouvais
écrire
que "peu de marques arrivent à s'écarter des
formes
classiques" (losange, col de cygne - voir
les différents types de
vélos en annexe
et les "commentaires sur les
vélos"
page suivante).
Aujourd'hui force est de constater que plusieurs
modèles adoptent des modifications de cadres souvent
imaginatives : le modèle à grand
succès B'Twin de Décathlon a ouvert le feu, suivi
par le Cityclass de MBK et le moins
courant Prodigy DX de Giant,
tous les 3 étant des formes d'hybrides entre VTT et
vélo
urbain. Les évolutions plus "délirantes" figurent
dans les gammes VTT surtout, avec
des résultats plutôt "lourds" et rarement
rafinés.
J’ai lu dans un forum des critiques du vélo
B’Twin
de Décathlon lui reprochant de ne rester qu’un VTT
malgré sa mini barre centrale. Je crois au contraire que
cette
simple petite barre change tout et en fait un vélo
différent : le vélo devient séduisant,
plus urbain
qu’un VTT, plus dynamique qu’avec une barre
horizontale
haute : on dirait qu’il s’apprête
à bondir. Un
homme bien positionné sur
ce vélo a l'air d'être monté
sur un ressort
géant replié en "Z" comme un mêtre
pliant. |
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Voici
un autre vélo où le cadre est
réactualisé à partir de la courbure de
la ligne
vers l’arrière : dynamisme et jeunesse
se
dégagent (mais sans l’agressivité des
VTT).
Le coffre rouge est bien intégré, il contient ici
le
moteur
de l’assistance électrique mais on peut imaginer
une
version non électrique de ce vélo qui
conserverait le
coffre, comme un sac à détacher une fois le
vélo
attaché.
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A gauche : le
LimeLite de Trek Bikes fait évoluer le cadre sans
y toucher, simplement en rendant invisible tout
élément "accessoire" : dérailleur, freins,
cables sont bien là mais cachés.
En contrepartie, la forme globale prend une forte importance avec ses
points de couleur (ici verte) interchangeable, le dessin
recherché du guidon et l'absence de garde-boue et de porte
bagages qui souligne la rondeur des roues.
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Le cas
des vélos pliants
: a priori je ne souhaitais pas les faire rentrer dans cette
étude : ils me semblaient relever d'une catégorie
à part, difficile à comparer avec celle des
vélos
"classiques". Pourtant sur les sites internet qui leur sont
consacrés, les vélos pliants revendiquent un
souci du
design et manifestent l'idée
de proposer une alternative crédible comme vélo
urbain du
futur. Aussi, malgré
leur
forme très spéciale (petites roues et grandes
tiges de
selle et de guidon), je les inclus dans
mes "commentaires
sur les
vélos" que l'on trouvera
page suivante. |
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Eco-design
et vélo "durable"
Face aux enjeux de
préservation de l'environnement et de crise
énergétique, le vélo apparait souvent, à
juste titre, comme un mode alternatif à la voiture bien
adapté aux petits trajets urbains (rappelons que 50 % des
trajets urbains font moins de 3 km). Aussi la bicyclette est-elle en
bonne place chez les défenseurs de l'environnement.
Cela dit, ce n'est pas
parce qu'on fait du vélo qu'on est écolo : pour
preuve la création de sites qui rappellent aux cyclistes
les règles de comportements telles que "ne jetez
pas vos déchets sur la route", "plutôt
que de prendre votre voiture pour emmener son vélo
aux abords d'une forêt, allez-y en vélo etc."
D'autre part, l'absence
de production de CO2 suffit-il pour faire du vélo un
"éco-produit" ? Un produit "éco-conçu"
intègre une approche prenant en compte le
cycle de vie complet du produit, depuis sa création
jusqu'à sa destruction, en passant par son utilisation. Sous cet angle même si le vélo
à un rendement meilleur pour les petits trajets qu'une
voiture de 900 kg transportant une seule personne, il faudrait
distinguer plusieurs sortes de vélo :
- le
vélo léger et simple : avec un
cadre, des roues,
avec des accessoires légers,
peu réparables mais facilement remplaçables (phares, selle,
porte-bagage,
garde-boue, protège-chaîne), voire sans accessoire.
Ci-contre
en haut un exemple de concept très simple, initié par un
trio de
designers Holllandais, qui consiste à développer
et
produire un vélo qui soit à la fois utile,
à la
mode, écologique et dont le coût de production
soit
réduit de moitié par rapport à la
normale. Il
serait plutôt destiné à des
catégories de
personnes qui pourraient voir leur qualité de vie
s'améliorer radicalement si elles avaient la
possibilité
de faire leurs déplacements à vélo
plutôt
qu'à pied : enfants africains allant à
l'école,
familles chinoises séparées par de grandes
distances,
villageois brésilliens allant vendre leur production au
marché. Pour réduire les frais de production, les
designers se sont inspiré du modèle du fabricant
de
meuble IKEA en réalisant un vélo construit autour
de deux
plaques de bois découpées en forme de cadre,
reliées entre elles par quatre "cylindres" pris en sandwich
au
niveau du pédalier, de la direction et de la selle. Les
avantages : coût d'assemblage réduit,
suppression
des soudures, matériaux bons marchés et
écologiques (du moins pour le cadre), construction
simplifiée (par l'acheteur) transport et livraison du kit en
carton de taille réduite.
Ci-contre, un vélo tout en carton de Phil Bridge,
étudiant de l'université de Sheffield Hallam (GB),
conçu dans une visée "écologique et bon
marché" pour rendre le vol de vélo inintéressant
(le vol est l'un des freins à l'utilisation du vélo, un vélo est volé toutes les 71 secondes en Angleterre).
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Sanwdichbikes
Carboardbike
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- le
vélo solide et durable :
un vélo conçu pour supporter de grandes charges et pour durer plusieurs
générations, le caoutchouk des pneus provenant de forêts d'hévéa
correctement gérées, sans gadget inutile, avec des matériaux facilement
réparables ou recycables. En écrivant cela je vois bien qu'un tel
concept renvoit à un vélo "classique" qui va à l'encontre des concepts
actuels de mode et d'obsolescence programmée (cf le documentaire "Prêt à jeter,
l'obsolescence programmée" de Cosima Dannoritzer). (cf article Pub et mode sur cette page).
L'éco-vélo
idéal reste donc à inventer et cette préoccupation
n'apparait pas clairement chez les constructeurs. Pour l'instant
les vélos vendus actuellement oscillent entre les deux
options selon les lieux de revente grande distribution et
petits détaillants, sans oublier que la peur du vol
et le coût sont des éléments qui restent
prépondérants pour les acheteurs : pourquoi
acheter un vélo "durable" qui peut être
volé demain ?
Les quelques livres d'éco-design mentionnant les vélos
signalent plutôt des vélos pliants (par ex. un vélo
qui, une fois plié,
tient dans
l'emplacement d'une roue de secours d'une voiture) ou, à une
autre échelle, un
vélo électrique aérodynamique à position semi-couchée pouvant atteindre 40
km/h. Ce dernier est plus lourd mais peut viser remplacer
plus facilement une voiture ou un scooter ce qui en terme
de bilan environnemental est plus avantageux (voir ci-contre).
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Modèle
Laüfer,
prototype
développé par une université allemande,
commercialisé pour la première fois en Allemagne
durant 2007, ici
tiré de l'exposition "Changer d'ère" à la Villette
à Paris fin 2006.
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- le
vélo partagé (ou loué) :
ici le vélo
lui-même a peu d'importance bien que choisi et
dessiné
pour sa robustesse, son adaptation aux déplacements urbains,
sa
couleur facile a repérer de loin. En tant qu'objet, il
disparait
au profit du service rendu qui consiste à faciliter le
déplacement écologique urbain. C'est la
démarche
elle-même qui est écologique dans le sens
où elle dissipe les éventuels inconvénients du
vélo :
maintien du matériel en bon état, espace pour le
garer de
façon protégée, ne pas sans occuper si
on n'en a
plus besoin. T. Kazazian théorise ce concept dans un livre traitant de l'éco-design
intilulé "Il y aura l'âge des choses lègères"
: "il nous faudra imaginer des objets qui s'effacent derrière
leur usage, apportant un maximum d'efficacité avec
le minimum d'effort".
Ci-contre, l'exemple du Vélo'V à Lyon mis en
place en
2006 : l'utilisateur loue un vélo à une borne
automatique
et le replace près de l'une des bornes
disposée dans la ville après sa course. On
connait encore
mieux depuis juillet 2007 les Vélib' parisiens. |
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- le vélo en route pour une seconde vie : Enfin, même avec un vélo courant, l'usager pourra se
soucier du devenir du vélo en panne, cassé ou tout
simplement passé de mode.
Pour sensibiliser les cyclistes sportifs à la
préservation de l'environnement à vélo, un site a
été créé par l'Ademe, la fondation Hulot et
des magasins de vélos, preuve que vélo et environnement
ne vont pas forcément de pair : www.tousecocyclistes.com
(j'ajouterais monde du cyclisme sportif, pour être exact).
Donné à une association, un vélo pourra reprendre
une seconde vie. Des associations s'emploient à envoyer des
vélos usagés dans les pays du sud (ex : www.cyclonordsud.org au Québec).
Fort des observations présentées
dans les pages précédentes, je propose page suivante une
analyse sur les formes de vélos. J'ai rassemblé les
différents types de vélos existant classés par
catégories.
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